Patrimoine et choix identitaires dans le monde arabe : de l’État national à «l’État islamique »
Résumé
Dans le monde arabe contemporain, la valorisation des patrimoines a souvent été tributaire des choix identitaires à la base des projets politiques des pouvoirs en place et des mouvements politiques les plus influents : Qu’il s’agisse des islamistes, des nationalistes arabes ou des promoteurs d’identités nationales se confondant avec le cadre des Etats-nations qui ont vu le jour après le XIVe siècle, la valorisation et/ou la dévalorisation d’un patrimoine allaient de pair avec l’identité à promouvoir ou à occulter. Nous l’avons vu récemment avec la destruction des patrimoines mésopotamiens et non islamiques en Irak et en Syrie jugés antinomiques avec l’identité islamique des territoires concernées.
Mais ce n’est là qu’un cas extrême de ce que d’autres ont essayé de faire en fonction de leurs choix identitaires : l’égyptianité était un vecteur de valorisation de ce qui est propre à l’Egypte, à savoir le patrimoine de l’antiquité pharaonique, parfois au détriment d’autres dimensions de l’identité égyptienne; la tunisianité du temps de Bourguiba allait de pair avec la réhabilitation de son patrimoine carthaginois, romain d’un certain islam contre le patrimoine de l’islam confrérique jugé rétrograde, la promotion d’une identité libanaise séparée de celle de la Syrie et du monde arabe était liée à la mise en avant du patrimoine phénicien; etc. Selon les pays et le paramètre identitaire de la construction de l’Etat-nation, la politique patrimoniale a favorisé tel patrimoine et sacrifié tel autre patrimoine jugé illégitime du point de vue du choix des gouvernants. Rares sont les pays qui font le choix d’admettre le caractère pluriel de leur identité et d’opter pour la préservation de toutes leurs richesses patrimoniales.
Conférencier
Mohamed-Chérif FERJANI est professeur émérite de science politique, d’islamologie et de civilisation arabe de l’Université Lumière Lyon2 et l’auteur de travaux concernant les rapports entre le politique et le religieux dans les mondes de l’islam, la laïcité, les droits humains, les questions de transition, la gestion de la diversité, l’enseignement relatif au faits religieux, etc. Parmi ses publications, citons : Religion et démocratisation en Méditerranée, Editions Riveneuve, Paris 2015/ Nirvana, Tunis 2016, Le politique et le religieux dans le champ islamique, Fayard, Paris 2005, Islamisme, Laïcité et droits humains, Amal Editions, Tunis, 201 (réédition actualisée d’Islamisme, laïcité et droits de l’Homme, l’Hamattan, Paris, 1992), Les voies de l’Islam, approche laïque des faits islamiques, CRDP de Franche-Comté/Le Cerf, Besançon/paris, 1996, Prison et liberté, Mots Passants, Tunis, 2015
Lundi 23 octobre 2017, 15h30
Pavillon Charles-De Koninck, salle 3136